mardi 3 juin 2014

Nouvelles critiques médias de "The Rover"



Ciné Chronicle

Après Animal Kingdom, drame de gangsters familial récompensé aux festivals de Sundance et de Beaune en 2010, David Michôd revient avec The Rover, un western moderne dystopique en mode Mad Max, dénué ici de toute excentricité visuelle, dans lequel se mêle le road-movie âpre et prenant. Présenté en séances de minuit au 67e festival de Cannes, ce deuxième long métrage minimaliste ne doit pas tant sa réussite à son scénario relativement basique, mais bien à son atmosphère de chaos, sa bande sonore anxiogène, sa photographie saturée, ses décors sauvages, arides et rudes de l’outback australien et surtout à ses deux acteurs principaux. A commencer par Guy Pearce. L’acteur australien d’origine britannique, qui retrouve le cinéaste quatre ans plus tard, a souvent été habitué à jouer des rôles de composition. Celui-ci s’en approche quelque peu. Monolithique, introspectif et taiseux, il incarne un vagabond solitaire d’une quarantaine d’années, misanthrope, aigri et tourné sur lui-même, dont on ne sait rien de prime abord si ce n’est que le seul bien qu’il possède encore, dix ans après avoir assisté à l’effondrement de l’économie occidentale, est sa voiture. Si son existence semble être totalement anéantie, la séquence d’ouverture au rythme lent, plongée dans un désert austral post-apocalyptique accablé par le soleil et la chaleur étouffante, donne d’emblée le ton et dessine le portrait opaque et opiniâtre de ce personnage impénétrable.

Alors qu’il est en train de boire un verre dans le bar d’un coin isolé et insalubre, l’instant comme figé dans l’air est interrompu au second plan par une voiture-truck fonçant à toute vitesse sur la route marquant ainsi une rupture brutale de rythme assez drôle. Si le bruit le fait enfin sortir de sa léthargie, il s’aperçoit trop tard que trois hommes, menés par Scoot McNairy (Monsters), ont déjà volé sa voiture. Dès lors, il entame une course-poursuite non stop pour la récupérer et finit par croiser le jeune frère blessé du leader, incarné par Robert Pattinson. L’acteur anglais de 28 ans continue de son côté à s’extraire avec intelligence de son image vampirisée par la saga Twilight, après être tombé entre les brillantes mains de Cronenberg. Il livre ici une performance assez poignante au travers de ce jeune personnage simplet, fragile et naïf, avec un accent traînant. Dans ce périple sur asphalte et terre rouge, jonché de cadavres abattus sans aucune pitié ni remord par Guy Pearce, c’est au travers de toute la dissemblance de ce tandem que The Rover parvient à trouver son sens et à s’imposer en dépit de sa lenteur décontenançante. Leur relation devient ainsi le moteur du récit, coécrit par Joel Edgerton et David Michôd, bien plus nihiliste, dépouillé, sec et austère qu’Animal Kingdom, définissant finalement cette brève lueur d’humanité encore possible dans une société moribonde, peuplée de criminels et d’escrocs qui gravitent autour de toute l’industrie minière australienne.

Note : 3/5

Studio Ciné Live

Un road movie à la noirceur ironique.

David Michôd aime les contrastes. Découvert avec Animal Kingdom, un thriller psychologique en quasi huis clos et sombre visuellement, on le retrouve, trois ans plus tard, avec un western postapocalyptique situé dans les grands espaces australiens, écrasés par le soleil. Mais cette lumière est trompeuse. The Rover fonctionne sur le même mode tétanisant que son premier long. Son action se déroule dix ans après l'effondrement de l'économie occidentale dans une Australie en totale déliquescence, dont les seules ressources sont désormais minières.

C'est dans ce cadre peu reluisant que le héros de The Rover, dans la dèche totale, se fait dérober son seul bien : sa voiture. Il se lance à la poursuite des voleurs - une bande sans foi ni loi - avec l'aide d'un de leurs membres, abandonné après avoir été blessé. Accompagné par une BO anxiogène et intrigante, ce road movie vaut surtout par sa noirceur terriblement ironique. Y faisant souffler subtilement le chaud et le froid, Michôd parvient à créer les conditions d'une empathie avec un personnage central pourtant égoïste et monstrueux au sens premier du terme. Et ce jusqu'à une scène finale déconcertante, mais qui parachève ce travail d'orfèvre en cynisme si assumé qu'il en devient fascinant.

Dans les rôles centraux, la dureté rugueuse de Guy Pearce se marie parfaitement avec l'innocence perdue dégagée par Robert Pattinson. Toute ressemblance avec des personnages et des situations économiques existant ou... sur le point d'exister est évidemment ici tout sauf fortuite.

Le Monde

"The Rover" : apocalypse, encore

C’est probablement son physique qui la prédestine à ce type de rôles. Avec ses étendues désolées, ses hameaux isolés peuplés d’anciens forçats (ou de leurs descendants) et ses animaux étranges, l’Australie est faite pour jouer la planète Terre après l’apocalypse. Après avoir triomphé dans cet emploi avec la série des Mad Max, elle le reprend dans The Rover, de David Michôd. Mais le pire des mondes ne peut donner que ce qu’il a. Ce paysage sinistre et ses habitants qui ne vivent que par la loi du gros calibre sont désormais trop familiers pour effrayer.

On découvre Eric, le protagoniste du film, au moment où il se fait voler sa voiture par un trio de fuyards. La victime est en fait un bourreau. Incarné par Guy Pearce (qui semble souvent penser très fort à Charles Bronson), Eric ne dit pas grand-chose, se contentant de faire passer ses semblables de vie à trépas dès qu’ils entravent un tant soit peu sa progression. Le but suprême est bien sûr de récupérer son véhicule. Il ne s’agit même pas, comme dans la trilogie de George Miller, de conférer aux automobiles et à leur carburant un statut mystique – les objets sacrés d’un âge révolu –, mais simplement de mettre la violence au service de la satisfaction des besoins immédiats.

Lancé à la poursuite des voleurs de voiture, Eric embarque Rey (Robert Pattinson) le frère de l’un d’eux que le gang a laissé pour mort sur le bord de la route. Cette déshumanisation des rapports familiaux et sociaux est décrite à si gros traits qu’elle devient vite aussi dérisoire que les innombrables décès qu’égrène le scénario. Comme dans les films de Quentin Tarantino, les échanges se concluent souvent par une détonation et le décès de l’un des protagonistes.

La monotonie des massacres à répétition

David Michôd, qui s’était fait remarquer avec Animal Kingdom, portrait glaçant d’un gang familial de Melbourne, n’emploie pas ce procédé à des fins burlesques, contrairement à l’auteur de Pulp Fiction, mais pour mouvoir une mécanique de la brutalité dépourvue de sens. Il indique bien que la violence est apparue avec la pénurie, mais ne se soucie guère de détailler le processus qui a entraîné la disparition de la règle sociale. Reste la monotonie des massacres à répétition, conclue par une ultime révélation, pirouette scénaristique qui vient encore souligner la vacuité du propos.

Le laconisme du film est comme une extension de la personnalité du personnage central, tout aussi exaspérant. A force de rétention d’informations, David Michôd encourt le désintérêt de son public, qui ne peut quand même pas se nourrir exclusivement de fusillades.

En guise de consolation, le réalisateur concède une part d’humanité à Rey, le compagnon de voyage d’Eric, une espèce de chien fou qui essaie de faire aussi bien que son nouvel ami. Dans ce rôle de crétin homicide plein de bonne volonté, Robert Pattinson surprend, plutôt agréablement. Ce qui ne suffit pas cependant à effacer la déception que suscite le nouveau film de ce cinéaste prometteur.

Gowith

THE ROVER : dans le désert, personne ne vous entendra mourir

Le réalisateur australien David Michôd nous avait pas mal retournés en 2011 avec son tout premier long-métrage ANIMAL KINGDOM, qui faisait voler en éclats la cellule familiale en racontant l’histoire (vraie) d’une famille de mafieux à Melbourne, dans les années 80.
Il revient avec THE ROVER, présenté au Festival de Cannes 2014 hors compétition. Il y retrouve à nouveau l’acteur australien Guy Pearce, qui campe ici un homme solitaire au milieu du désert australien, dans un monde post-effondrement économique sans foi ni loi, et où chaque jour est un combat pour la survie. Dans ce désert, les hommes les plus désespérés viennent tenter de travailler dans les mines, dernier eldorado pour gagner un peu d’argent et s’en sortir. Lorsqu’ Eric (Guy Pearce) se fait voler sa voiture, le seul bien qu’il possède, par un gang de marginaux en cavale, il se lance alors dans une course poursuite jusqu’au-boutiste. Il est prêt à tout pour récupérer son véhicule.

THE ROVER est un film étrange et déstabilisant, qui ne va jamais là où on le croit. Les premières minutes ressemblent à une relecture de MAD MAX dans la poussière et l’aridité du désert d’Australie, où les hommes tous armés ont la gâchette sensible et les nerfs à vif. Mais David Michôd est un réalisateur qui aime brouiller les pistes, et déjà dans ANIMAL KINGDOM, film ultra tendu où l’on sentait que tout pouvait vaciller en une fraction de seconde, les personnages flirtaient sans cesse avec la ligne jaune, dans une nervosité et une défiance de tous les instants.

Dans THE ROVER, le personnage de Guy Pearce embarque le jeune Rey (interprété par Robert Pattinson) dans sa course poursuite, car il est le frère d’un des membres de ce gang qui lui a volé sa voiture. Il malmène Rey, un garçon simple d’esprit, pour qu’il le guide vers la destination de ces malfrats. Entre ces deux hommes que tout – absolument tout – oppose, se crée une relation qui oscille entre tentative de complicité et méfiance.

En premier lieu, on retient de THE ROVER la prestation impériale et étonnante de Guy Pearce, individu froid où bouillonne une colère permanente, revenu de tout, presque muet, et pour qui l’humain ne trouve plus grâce à ses yeux. L’acteur est omniprésent à l’écran et il porte littéralement le film sur ses épaules, lâché dans cette course poursuite implacable dont le spectateur s’interroge sur le sens déraisonné.

Face à lui – ou à ses côtés -, Robert Pattinson trouve ici un rôle intéressant mais pour lequel le comédien manque encore un peu de maturité et d’aisance : son interprétation du personnage de Rey, débile léger, reste approximative par moments, surjouée par d’autres, et surtout on voit l’acteur en train de jouer dans certains passages. Néanmoins, on ne lui jette pas la pierre, et Pattinson s’en sort avec les honneurs. Il est surtout un peu éclipsé par la présence nerveuse et exceptionnelle de Guy Pearce.

Avec ce second long-métrage, David Michôd impose à nouveau un rythme lent et décalé dans son récit, qui peut désarçonner un peu le spectateur non averti. Western déshumanisé dans un univers où il n’y a plus aucune règle à part celle que l’on se choisit, THE ROVER semble prêt à imploser à tout moment. Comme on l’avait déjà découvert dans ANIMAL KINGDOM, la violence ici est froide et intervient sans crier gare, devenant presque une norme dans une société qui n’en a plus, comme une forme de langage pour des hommes qui ne se parlent plus et se méfient constamment de l’autre.

David Michôd a choisi de dépouiller sa mise en scène au maximum, laissant finalement les espaces infinis du désert australien se suffire à eux-mêmes. En revanche, il accorde un soin particulier à sa bande-son très prenante et inquiétante, mêlant musiques d’inspiration aborigène et indus brutal et radical.

Cependant, THE ROVER semble finir par perdre de vue les tenants et les aboutissants de son récit, s’égarant alors sur des routes sans fin qui ne mêlent nulle part. On a ainsi du mal à garder le fil, surtout pendant certaines scènes extrêmement lentes et qui trouvent difficilement leur sens dans cette histoire, en dépit d’une empreinte forte dans la mise en scène et des partis pris de réalisation intéressants.

Brutal, dérangeant mais aussi un peu déroutant, THE ROVER bénéficie d’une mise en scène ambitieuse et riche d’idées, même si c’est au risque de laisser certains spectateurs sur le bord de la route australienne.

Reste avant tout un Guy Pearce magistral et flippant, qui trouve à nouveau devant la caméra de David Michôd un rôle flamboyant où il nous révèle toute l’étendue de son talent. Quelque chose est en train de se nouer entre cet acteur et ce réalisateur, et ça, on en redemande !

Ecran Large

The Rover, le Mad Max de la Croisette

Face aux poids lourds de la sélection officielle et dans une catégorie (les séances de minuit) où il ne pouvait concourir à aucune récompense, The Rover de David Michôd n'aura pas été un des films les plus discutés du 67ème Festival de Cannes. Ce récit de science-fiction était pourtant un des tout meilleurs films qu'il nous ait été donné de voir cette année. Un récit simple et radical, dont l'épure et l'élégance accouchent d'un récit à la force phénoménale.

Le passeur critique

En 2010, deux réalisateurs australiens ont explosé en même temps avec deux films quasiment identiques. D’un côté, Justin Kurzel avec Les Crimes de Snowtown où on nous raconte la lente descente aux enfers d’un ado pris dans les griffes d’un mentor psychopathe et de l’autre David Michôd avec Animal Kingdom qui lui met en scène la descente aux enfers d’un adolescent au sein d’une famille de gangsters ultra violente. Deux films extrêmement sombres aux ambiances délétères. Alors que Justin Kurzel est allé réaliser une nouvelle version de MacBeth avec Marion Cotillard et Michael Fassbender (déjà un candidat très sérieux pour Venise, Berlin ou même Cannes 2015). David Michôd lui, nous revient avec The Rover, un film post apocalyptique avec son compatriote Guy Pearce et Robert Pattinson définitivement sorti de l’aura Twilight et qui commence à se construire une jolie carrière (sa collaboration avec David Cronenberg, sa future collaboration avec Olivier Assayas).

The Rover débute par un carton laconique « 10 ans après l’effondrement ». L’effondrement de quoi on ne le saura pas vraiment. On retrouve Guy Pearce dans le désert australien qui vient de se faire voler sa voiture. Il va tout faire pour la retrouver accompagné par le frère simple d’esprit d’un des voleurs (Robert Pattinson).

Anti Mad Max

La première chose qui frappe devant The Rover c’est son absolu minimalisme. Lorsqu’on parle de cinéma post-apocalyptique on s’imagine souvent quelque chose d’un peu punk, d’architectures de tôles, de véhicules customisés, de vêtements faits de peaux de bêtes etc… Or David Michôd évacue tout ça. Assez ironiquement, il réalise le film opposé à la célèbre saga australienne : Mad Max. Il fait l’anti Mad Max. Comme s’il sentait le besoin de reconstruire quelque chose à partir de zéro, que ce soit dans sa propre mythologie mais également dans la cinématographie de son pays. The Rover a parfaitement pu être tourné en décors naturels dans le désert, aux abords de motels miteux, de camps de caravanes recouvertes de poussières etc…

Car ce qui intéresse le cinéaste ce n’est évidemment pas le potentiel esthétique du genre post-apocalyptique. C’est bien plus le contenu profond, philosophique d’un monde où tout a disparu. Où les règles sociétales qui nous permettent à nous, 6 milliards d’êtres humains, de vivre ensemble sont abolies et où tout est permis. La vie humaine n’a dès lors plus aucune valeur, juste un obstacle sur son chemin comme une pierre qu’on repousse du bout du pied. Le film n’est qu’une sourde et visqueuse propagation d’un désespoir terrible où la violence n’est plus qu’un élément du décor comme un autre.

Noir c’est noir

Guy Pearce est évidemment extraordinaire en anti-héros mystérieux qui est prêt à tout pour retrouver les voleurs de sa voiture (on ne dira jamais assez à quel point il mérite tellement mieux que ses éternels seconds rôles de méchants dans le cinéma américain) et à ses côtés Robert Pattinson se montre parfaitement convaincant en simple d’esprit gentil mais dangereux. Leur voyage, forcément initiatique, les emmène dans les recoins les plus noirs de l’âme humaine où tout espoir a disparu, où toute humanité se retrouve niée. Portée par une bande originale extraordinaire d’Antony Partos (qui avait déjà composé celle d’Animal Kingdom) le film déroule ainsi une torpeur moite, viciée et étouffante. On sent que David Michôd a tenté de réduire son film à une pure ligne droite que ce soit au niveau du récit (un homme cherche sa voiture), que ce soit visuellement (Michôd a perdu toutes les affèteries d’Animal Kingdom) et que ce soit au niveau plus profond de ce que ça raconte (personnages mutiques et mystérieux). C’est vraiment dans ce minimalisme, dans ce rejet de tout superflu que finalement le film parvient à toucher au but, à agir comme une tâche d’encre noire qui se répand lentement jusqu’à tout recouvrir.

Note : 3/5


Pour mémoire : les précédentes critiques déjà en ligne : 123  

Aucun commentaire: